Arts et culture
Fanny JOLY
La directrice est amoureuse
(extrait)
Toc-toc-toc
Quand la directrice est partie, le grand blond tourne un moment autour de la petite table sur l’estrade (une table d’élève est beaucoup trop petite pour notre stagiaire !), le cartable toujours avec lui.
– Eh bien, asseyez-vous ! dit Monsieur Dequille qui est normalement beaucoup plus gentil.
À ces mots, le stagiaire prend vite place sur sa chaise. Il pose son cartable à ses pieds, très lentement (il porte peut-être de la dynamite ?). Mais il a les jambes trop longues, il n’y a pas assez de place pour elles sous la table. Où peut-il poser ces jambes énormes ?
Le professeur nous regarde avec les yeux d’un requin qui a très faim :
– Bon, le temps passe et on n’a rien fait… Maintenant, le premier qui bouge, punition !
Le premier qui bouge, c’est… le grand blond. Il regarde d’abord à gauche et à droite, comme pour trouver quelqu’un qui peut aider, puis il fait signe à Monsieur Dequille. Notre professeur regarde le stagiaire sans comprendre :
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– J… J… J…
Là, il parle pour la première fois, il a une petite voix, comme un canari qui chante au printemps, ou comme un petit chat qui a peur parce qu’il est seul.
– J… J… J…
Monsieur Dequille reste près du tableau pendant que les secondes passent. Enfin il dit :
– Ouiiiii…
Tout le monde rigole maintenant. Moi, cette manière de dire « J… J... J… » avec une petite voix, ça me fait penser à un vieux disque de mon grand-père, quand il veut nous faire écouter de la musique d’accordéon, le dimanche.
– J… J… Je ne v… voudrais pas déranger !
Les derniers mots sont sortis en une fois, tout à coup.
– Merci, c’est fait ! dit Monsieur Dequille et il prend place à son bureau.
Nous rigolons, mais pas le stagiaire. Il a la tête rouge et regarde ses pieds comme un enfant qui a une punition. Monsieur Dequille prend des feuilles :
– Il faut faire l’examen de géographie, ce matin !
Il ne peut pas aller plus loin. TOC TOC TOC. On ne doit même pas aller ouvrir la porte : la directrice est là, et elle a encore un grand sourire.
– C’est moi ! Tout va bien ?
Si elle pose cette question à Monsieur Dequille, il va répondre « non », bien sûr. Mais elle ne parle pas à notre professeur. Elle demande au stagiaire :
– Tout va vien, Édouard ? Je peux dire Édouard, n’est-ce pas ?
Le grand blond a peur de regarder Monsieur Dequille. Il a de nouveau la tête rouge comme une tomate. Il tourne les yeux vers Madame Nervos et fait un mini-signe qui peut vouloir dire oui et non…
Monsieur Dequille n’est pas content, lui. Il reste là, comme une statue. La directrice demande :
– Je ne dérange pas ? Je suis venue pour savoir… Avez-vous encore assez de craies ?
– Merci ! Oui ! Mais nous n’avons pas assez de temps, voilà le problème. Il faut faire un examen de géographie, ce matin !
Quand la directrice est enfin partie, Monsieur Dequille crie :
– Taisez-vous ! Prenez une grande feuille. Je vais enfin vous donner les questions de l’examen.
Moi, je pense déjà : « Est-ce qu’il va aussi donner un papier avec les questions au grand blond ? » quand Jacky Paratini crie :
– Hé, monsieur ! Il est 9 h 17 !
– Et alors ?
– L’examen, il va être trop long !
– Et pourquoi, Paratini ?
– Hé, mais à 10 heures, c’est la récré !
Tout le monde proteste, mais le professeur ne nous écoute pas.
– Ooooh, monsieur ! Ça ne va paaaas ! c’est zimportant, la récréation !
Tout à coup, monsieur Dequille ne continue plus.
– Qui a dit : « zimportant » ?
Le professeur est vraiment fâché. Le stagiaire tremble comme un enfant qui a peur.
– C’est assez ! Je ne vais plus répéter encore une fois ! Est-ce que la première lettre du mot « important » est un Z, Paratini ?
– Euh, oui !
– NON ! Vous allez me copier ce mot trente fois, tout le monde ! Comment faut-il écrire C’EST ?
– C, E, S, T ! crie Jean Germain.
C’est qu’il est content de montrer qu’il est le premier de la classe.
– Voilà, dit Monsieur Dequille. La dernière lettre de « c’est » est un T. Il faut donc dire « C’est_important » « Timportant ». Et pas « C’est zimportant ». On peut dire « zimportant » dans « C’est très_important » et « Ce n’est pas_important ».
Monsieur Dequille est toujours plus fâché. Alors Jacky dit :
– Il ne faut pas être nerveux, monsieur !
Moi, je n’ai jamais peur de dire ce que je pense, mais là, Jacky exagère !
– Je ne suis pas nerveux ! Je vous donne les questions de l’examen de géographie et je ne veux plus entendre un seul mot ! O.K. ?
On n’entend plus un mot. Mais tout à coup : TOC TOC TOC… Et c’est Madame Nervos qui entre.
– Je viens de trouver cette affiche formidable pour la classe. Elle est sur mon bureau depuis deux ou trois semaines…
– Et vous ne pouvez pas laisser cette affiche encore deux ou trois semaines sur votre bureau ? crie Monsieur Dequille avec sa voix fâchée.
– C’est… c’est une affiche de notre ville, dit la directricre avec une peitite voix qui tremble.
C’est vraiment trop pour notre professeur :
– Une affiche de notre ville ! Et moi, je veux donner des questions de l’examen de géographie aux élèves ! Et les élèves, ils ont eu assez de temps pour lire ces questions, mais ils n’ont plus assez de temps pour répondre maintenant ! C’est trop, on doit tout refaire ! Vous allez me rendre les feuilles tout de suite ! mais attention, demain l’examen de géographie ne va pas être facile, oh non !
VOCABULAIRE
normalement – обычно
punition (f) – наказание
bouger – двигаться, шевелиться
signe (m) – знак
canari (m) – канарейка
déranger – мешать
de nouveau – снова
craie (f) – мел
et alors – ну и что
récré (récréation) (f) – перемена
exagérer – преувеличивать, переходить границы
QUESTIONS
- Comment le stagiaire se sent-il ?
- Pourquoi monsieur Dequille est-il mécontent ?
- Quelle est la réaction des enfants pour tout ce qui se passe ?
- La directricre, que vient-elle faire dans la classe ?
- Quelle est la faute de prononciation que font les enfants ?
- Est-ce que les élèves ont enfin écrit l’examen de géographie et pourquoi ?
(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)