Arts et culture
Fanny JOLY
La directrice est amoureuse
(extrait)
(Suite. Voir N°13, 14, 15/2009)
Ce qu’on raconte dans la cour…
Après ce matin vraiment bizarre, Martial, Jacky, Solange et moi, on discute dans la cour de récré. Monsieur Dequille a vraiment été fâché et nerveux ! Même le premier mars, quand Marie Béret a laissé courir une souris dans la classe, il n’a pas été si fâché ou nerveux. Et la directrice, elle, n’a jamais été aussi souriante et de si bonne humeur. Et puis Solange prend sa tête de « moi, je sais tout » et, les yeux presque fermés, elle dit comme un mystère :
– Moi, je sais ce qu’elle a, madame Nervos !
On vient plus près d’elle :
– Qu’est-ce qu’elle a ?
– C’est le stagiaire, dit Solange.
– Quoi, le stagiaire ?
– Vous ne comprenez pas ? Elle veut plaire au stagiaire !
– Plaire au stagiaire ! Tu veux dire qu’elle aime le grand blond ? Mais tu vois des histoires d’amour partout ! crie Martial.
J’aime beaucoup Solange. C’est ma grande copine, je sais tout d’elle, et elle de moi. Pas de mystères entre nous. Elle est toujours contente de me voir, même quand je demande de m’aider pour l’école. Elle travaille bien, et moi pas, donc pour moi c’est pratique. Elle a un seul défaut : elle aime trop les histoires d’amour. Elle regarde ça à la télé : voilà pourquoi elle voit des histoires d’amour partout.
– Vous n’avez pas vu comment elle regarde le stagiaire ? Comment elle parle avec lui ? Combien de fois elle est venue aujourd’hui pour voir son grand blond ?
– Non, écoute, la troisième fois c’était pour apporter son affiche !
– Son affiche, un prétexte !
– Un quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ? demande Martial.
– Ce n’est pas vraiment pour son affiche qu’elle est venue, mais pour le stagiaire.
Là, Martial ne peut pas comprendre.
– Mais tu as bien vu l’âge du stagiaire ? Madame Nervos peut être sa mère !
– Et alors ? Ça ne fait rien ! J’ai vu une histoire pareille dans Amour pour toujours (son feuilleton américain favori).
– Mais ici, c’est qu’elle est plus vieille et le stagiaire, il est trop jeune…
Solange a une réponse à tout :
– Il n’y a pas d’âge pour l’amour. Et d’abord, la directrice peut être amoureuse de lui même s’il n’est pas amoureux d’elle…
– Et puis, elle est mariée, madame Nervos ! dit Jacky.
– Mais non, elle n’est pas mariée ! Tout le monde doit dire « Madame », mais juste pour faire chic. Madame Nervos est une vieille fille.
– Non ! ? ! Ce n’est pas vrai ! ? !
Jacky est très étonné. Tout à coup, on voit le stagiaire qui veut traverser la cour. Il est plus calme maintenant, en classe il est vraiment trop nerveux. Quand d’autres copains remarquent aussi le stagiaire, ils ne jouent plus et viennent voir et poser des questions.
– Alors, c’est vrai que vous allez rester dans notre classe ?
– Hé, vous allez nous aider pour les examens ?
– Pourquoi faites-vous « J… J… J… », c’est pour rigoler ?
– Vous venez avec nous à la cantine ?
– C’est vraiment votre prénom, Édouard ?
– Quel âge avez-vous ?
– Vous voulez un peu de mon sandwich ? Il est bon, c’est mon papa qui fait ces sandwichs !
Ça, c’est Paul Colinot. À chaque récré on le voit avec un grand sandwich.
En deux minutes, tout le monde est autour du stagiaire. Il ne sait plus ce qu’il doit faire, peut-être aussi parce que Claudie Fleury est venue vers lui. C’est la prof des petites classes. J’ai été chez elle, il y a cinq ans. Maintenant j’ai un peu l’impression que moi je suis plus grande, et elle plus petite. Elle est blonde et elle a de très beaux yeux bleus, comme une poupée. Moi, je n’aime pas trop les poupées. J’ai une seule poupée et où est-elle pour le moment ? Je ne sais même pas.
– Bonjour, dit Claudie Fleury. Vous êtes un nouveau collègue ?
Je donne un petit coup à Solange et je dis :
– Tu vois ? Tu n’as pas l’impression que c’est Claudie Fleury qui est amoureuse du stagiaire, et pas la directrice ?
À ce moment, la directrice est à la fenêtre de son bureau et elle crie :
– ÉDOUARD ! Venez me voir, s’il vous plaît, je dois vous parler !
Solange me donne un coup avec le pied.
– Qu’est-ce que je viens de te dire ? La directrice ne veut pas laisser le joli blond discuter avec Claudie. Moi, je sais comment ça s’appelle : de la jalousie !
Il va vite chez la directrice. C’est moi qui suis allée voir dans la cour pour contrôler. Je ne peux presque rien entendre. Puis, la directrice et son grand blond viennent traverser la cour de l’école. et ils sortent.
Puis la directrice vient ouvrir de nouveau la porte, le stagiaire est là aussi, avec un vieux vélo noir. Avec son grand sourire, madame Nervos montre Charlemagne et, sous nos yeux étonnés, le grand blond accroche son vélo à la grille autour de la statue.
– Ça alors !
– Il peut accrocher son vélo à Charlemagne !
– Et elle nous donne une punition si on vient trop près de sa chère statue !
En septembre, le nouveau surveillant, monsieur Pomec, a voulu accrocher son vélo à la grille. Voilà pourquoi monsieur Pomec n’a pas pu rester ici : la directrice a fait venir un autre surveillant !
– Incroyable !
Quand madame Nervos rentre à son bureau, elle passe près de nous. Elle n’a pas son grand sourire maintenant.
– Et alors ? Vous n’avez jamais vu de bicyclette ? Eh bien, tout le monde dans le rang, ça va sonner !
VOCABULAIRE
bizarre adj – странный
mystère (m) – тайна
défaut (m) – недостаток
pareil, -le adj – похожий, подобный
jalousie (f) – ревность
feuilleton (m) – сериал
favori adj – любимый
accrocher – подвешиавть
grille (f) – решетка
ça alors ! – ну надо же !
surveillant, -e (m), (f) – надзиратель, смотритель
incroyable – невероятно
tout le monde dans le rang ! – всем строиться !
rang (m) – ряд
QUESTIONS
- Pourquoi peut-on dire que monsieur Dequille est plus fâché que d’habitude ?
- Avez-vous de vrais amis ? Savez-vous tout d’eux ?
- Quelle supposition Solange fait-elle ?
- Pourquoi Solange sait tout expliquer ?
- Aimez-vous les poupées ? En avez-vous beaucoup ?
- Quelles questions les enfants posent-ils au stagiaire ?
- Qu’est-ce que la directrice a permis de faire au stagiaire et pourquoi c’était étrange de sa part ?
- Est-ce que d’habitude la directrice est sévère ?
(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)