Arts et culture
Fanny JOLY
La directrice est amoureuse
(extrait)
(Suite. Voir N°13, 14, 15, 17, 18, 19/2009)
Quand notre professeur est sorti ainsi, le sourire de madame Nervos tremble un long moment. Puis elle avance jusqu’au bureau de monsieur Dequille. Elle prend place pour se calmer un peu. Le grand blond est toujours à côté de moi et ne bouge pas. Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ?
Mais il n’arrive rien de grave. On voit la directrice se calmer et retrouver son sourire. Elle nous explique qu’elle a été professeur, elle aussi, et qu’après de longues années, elle est devenue directrice. Puis elle dit au stagiaire :
– Vous pouvez prendre place à côté de moi, Édouard !
Nous, on a avant tout peur de l’examen de géographie. Mais nous avons de la chance. Madame Nervos dit qu’on va faire l’examen une autre fois, sans préciser la date. Alors, Martial me fait un grand sourire, Paul Colinot termine enfin son chocolat. Je pense que seul Jean Germain n’est pas très content, parce qu’il a déjà écrit deux pages, mais il ne proteste pas. Mais la directrice ne nous regarde pas. Elle est en train d’expliquer au stagiaire comment travailler avec des élèves, comment il faut les interroger, comment donner des exercices, comment faire copier les leçons et tout ça. Cela me fait penser à l’hôpital : quand j’ai été là, un vieux docteur a expliqué pendant un quart d’heure à des docteurs plus jeunes comment il faut faire avec une malade comme moi.
Le stagiaire regarde la directrice comme une fée. Puis, il sort un cahier de son cartable et demande :
– Est-ce que je peux noter tout ce que vous venez de me dire ?
– Mais bien sûr, Édouard, dit madame Nervos sur un petit ton de star.
Tout va bien, le temps passe comme un matin de vacances. L’après-midi aussi, on ne voit ni le stagiaire ni la directrice. On ne monte même pas en classe, on a une récré super-longue et puis on part pour la leçon de sport avec Willy Cordelisse, notre prof super-sympathique.
Le soir, quand je rentre à la maison, j’ai encore de le chance : je suis seule. Je vais donc prendre place devant la télé avec du pain, du chocolat et de la limonade, pour regarder enfin un épisode du feuilleton Amour pour toujours.
Je regarde à peine deux minutes quand le téléphone sonne. Oh nooon ! Je ne veux pas répondre. Mais le téléphone continue à sonner et je ne peux même plus entendre la télé. Alors je réponds :
– Ouais !
– C’est toi, Lison ?
– C’est qui ?
– Martial !
– Qu’est-ce qu’il y a ? Je ne peux presque pas t’entendre ! Tu peux parler plus fort ?
– Non, je suis caché dans le bureau de l’épicerie.
– Alors, tu ne veux pas m’appeler plus tard, je regarde Amour pour toujours…
Martial n’est pas content de ma réaction.
– Et tu ne me demandes même pas pourquoi je suis caché dans le bureau de mon père ?
– Euh…
– Tu ne vas jamais deviner, tu ne vas pas me croire !
– Bon alors, tu vas me dire qui c’est ? Ça va aller plus vite !
– La directrice, madame Nervos !
– Et alors ? Ce n’est pas la première fois qu’elle fait des courses dans l’épicerie de ton père, non ?
– Oui, mais là, je peux te dire que ce n’est pas comme les autres jours. D’habitude, elle prend des choses quotidiennes. Mais là, elle prend seulement ce qui coûte très cher : du champagne, des asperges, du saumon, une tarte… Mon père a même pris une calculatrice, et normalement il n’a jamais besoin de calculatrice ! Elle veut aussi une nappe blanche et des chandelles rouges !
Alors, je ne regarde plus mon feuilleton à la télé. L’histoire de Martial m’intéresse de plus en plus.
– Elle est encore là ?
– Oui, et elle discute avec Leïla : elle a demandé la couleur de son vernis à ongles !
Leïla, c’est la vendeuse de l’épicerie. Elle aime le vernis à ongles et chaque jour, elle porte une autre couleur.
– Non !
– Mais oui ! Et elle vient de dire à mon père qu’elle a un rendez-vous en ville…
– Un rendez-vous en ville ? Elle ne dit pas avec qui ?
– Non, mais moi, je pense à… Tu sais à qui je pense ?
– Moi aussi, je pense à cette personne. Édouard Ledoux, le grand blond, le stagiaire…
– Elle vient donc chez lui pour un petit dîner avec des chandelles, comme de jeunes gens amoureux…
– Tu sais quoi, Martial ? Retiens la directrice dans le magasin. Je viens tout de suite et on va voir où elle se dirige !
Fiche pédagogique
VOCABULAIRE
prendre place – занять место
rien de grave – ничего страшного
préciser– уточнить
sortir – вытаскивать
tout ça – все это
sur un ton de star (f) тоном звезды
récré (récréation) (f) – перемена
parler fort – говорить громко
quotidien, -ne – повседневный
asperge (f) – спаржа
saumon (m) – лосось, семга
chandelle (f) – свеча
QUESTIONS
- Que fait madame Nervos en classe ?
- Qu’est-ce que la directrice explique à Édouard et pourquoi il regarde madame Nervos comme une fée ?
- Quelle est la réaction des élèves quand madame Nervos dit qu’ils vont subir l’examen une autre fois ?
- Pourquoi est-ce que Lison veut regarder le feuilleton américain Amour pour toujours ?
- Pour quelle raison est-ce que Martial téléphone à Lison ? Pourquoi ne peut-il pas parler fort ?
- Madame Nerovs, que veut-elle acheter ?
- Qu’est-ce que les enfants décident de faire ?
(La publication est préparée par Nadejda Roubanik.)