Arts et culture

Fanny JOLY

La directrice est amoureuse

(extrait)

(Suite. Voir N°13, 14, 15, 17, 18, 19, 21/2009)

Je ne quitte pas la maison tout de suite, mais je cherche l’appareil photo de papa. Je sens déjà qu’on va voir des choses incroyables. Je vais être un vrai reporter. Mon père a seulement besoin de son appareil les week-ends et les vacances. Aujourd’hui, c’est mardi et il ne va pas remarquer que l’appareil n’est plus dans l’armoire.

Je pose une petite note sur la table pour expliquer mon absence. J’écris que je vais chercher du pain et puis je vais chez Solange pour lui demander quelque chose pour l’école.

Je passe vite au coin de la rue du Petit-Pont, où habite Solange. Je dois la prévenir si mes parents téléphonent.

Quand je m’approche des fenêtres de Solange, j’entends la musique d’Amour pour toujours : Solange regarde son feuilleton favori. Quand je lui explique tout, Solange dit qu’elle veut aller avec moi et Martial.

Pourquoi pas ? Je demande :

– Tu ne préviens pas ta mère ?

– Ah, oui, c’est vrai ! Un instant !

Elle crie dans l’escalier :

– Maman, je vais chez Lison pour travailler !

Et la voix de madame Belair :

– D’accord ! Mais pense à aller chercher du pain pour le dîner !

Quand nous arrivons à l’épicerie, nous voyons Martial, super-nerveux.

– Mais où êtes-vous ? Je suis là depuis une heure ! J’ai essayé de la retenir, mais elle m’a dit, qu’elle n’avait plus de temps parce qu’elle avait un rendez-vous, et elle est partie.

– Ça fait longtemps qu’elle est partie ?

– Trois minutes, ou plus !

Et il nous indique la direction dans laquelle madame Nervos est partie. C’est la place de la Liberté. Nous nous y rendons donc. Nous avons de la chance : nous pouvons courir vite. Voilà, dans la rue des Vignes, nous remarquons la directrice. Avec son grand sac dans une main et un parapluie dans l’autre, elle n’avance pas vite. Et nous, pour avancer et pour ne pas nous faire remarquer, nous sautons d’une porte à l’autre. Ou encore, nous nous cachons derrière un camion ou une voiture. Quand nous arrivons au boulevard des Champions, c’est beaucoup plus facile : il y a beaucoup de monde, ce qui nous aide à nous dissimuler.

Je montre l’appareil photo de papa :

– Mais tu vas faire comme des paparazzis !

– Qui est-ce ?

– Pfff ! Personne ici ne sait que se sont des journalistes italiens, dit Solange.

À cet instant, madame Nervos tourne à gauche dans la rue des Clous. Quand nous arrivons au coin de cette rue, nous voyons que la directrice entre par une porte bleue. C’est Martial qui est le premier à comprendre.

– Ça alors ! Elle est entrée à la piscine !

Oui, c’est vrai. Madame Nervos est en train de prendre un ticket.

– Il nous faut prendre place au bar panoramique à côté de la piscine.

Madame Nervos disparaît au « Vestiaire dames ». Nous, on entre l’un après l’autre et on prend l’escalier vers le bar panoramique.

– Où allez-vous, les enfants ? demande la dame à la caisse. Vous ne prenez pas de ticket ?

– Non, madame... On va juste chercher nos parents au bar ! dit Solange avec un beau sourire.

La dame à la caisse ne nous demande plus rien. Mais nous avons un problème au bar. Quand nous prenons place près d’une grande fenêtre, un serveur vient vers nous, un plateau à la main.

– Que prenez-vous, les enfants ?

Je voulais dire que je vais tout simplement prendre des photos, mais comme le serveur n’est pas très gentil, je ne donne pas de réponse.

– Est-ce qu’il faut vraiment prendre quelque chose ? demande Solange avec un nouveau beau sourire.

Cette fois, ça ne marche pas.

– Oui, et dépêchez-vous. J’ai encore d’autres clients, dit le serveur.

Martial cherche dans ses poches. Heureusement, il a quelque argent, mais il n’est pas content du tout, il ne veut pas le dépenser pour trois verres de limonade. Même quand il donne tout son argent, il lui en suffit seulement pour deux limonades.

Nous regardons la piscine avec curiosité. Il n’y a pas beaucoup de monde, dix ou douze personnes seulement qui nagent la tête dans l’eau.

Nous voulons voir madame Nervos, mais la porte « Vestiaire dames » reste fermée. Moi, je reste toute prête avec mon appareil photo dans mes mains, comme un vrai paparazzi qui guette une star du cinéma. Tout à coup, la porte du vestiaire bouge enfin. J’appuie le bouton de ma caméra. Soudain, je sens quelqu’un prendre ma main.

– Ah non, pas de photos ici !

Je regarde à côté de moi : c’est le méchant serveur. Mais c’est déjà fait, les photos sont prises.

Je regarde ce que je viens de photographier. Mais qui est-ce ? Difficile à dire. Je vois une silhouette cachée dans un long peignoir qui la recouvre de la tête aux pieds. Des lunettes presque noires dissimulent ses yeux et la moitié du visage. Et sur ses cheveux, il y a un bonnet jaune avec de grandes fleurs.

Je donne un petit coup à Solange.

– C’est elle, regarde, on peut la reconnaître par son parapluie, crie Martial.

Puis, tout va très vite. Madame Nervos avance en tenant son parapluie pour ne pas tomber. Elle va jusqu’à la dame qui prend des leçons pour nager. La dame sort de l’eau et fait « coucou ». Les deux femmes s’embrassent et prennent place sur un banc pour causer. Et voilà tout. Édouard Ledoux n’y est pour rien, il n’apparaît pas. Nous sommes désolés.

– Et le dîner avec les chandelles, c’est pour qui ?

Le serveur approche, il veut rentrer chez lui.

– Alors, les enfants, il est 7 heures, on ferme.

Nous sommes bien tristes et nous quittons la piscine en silence.

 

VOCABULAIRE

incroyable – невероятный

prévenir – предупреждать

indiquer – указывать

se rendre – отправляться, поехать

se dissimuler – спрятаться

suffire (III^e gr) – быть достаточным

guetter – поджидать, выслеживать, подстерегать

plateau (m) – зд. поднос

n’y être pour rien – быть ни при чем

 

QUESTIONS

1. Qu’est-ce que c’est qu’un reporter ?
2. Est-ce difficile de se dissimuler dans les rues ?
3. Les enfants, que font-ils à la piscine ?
4. Pourquoi les enfants sont tristes ?

(à suivre)

(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)