Arts et culture
Fanny JOLY
La directrice est amoureuse
(extrait)
(Suite. Voir N°13, 14, 15, 17, 18/2009)
Madame Nervos traverse la cour, accrochée au bras du stagiaire. Nous regardons, très étonnés, comme si des dinosaures passaient devant nous.
Solange a un grand sourire, c’est son triomphe :
– Vous venez d’entendre ce qu’elle a dit ? « Vous êtes un amour » ! Puisque je vous dis qu’elle est folle de lui !
Monsieur Dequilles vient nous chercher. À le voir, il est dans son état de « Requin qui a très faim ». Nous montons donc vite en classe, comme des petits poissons qui ont peur du grand requin.
Monsieur Dequille regarde sa montre avec un sourire méchant :
– Huit heures trente-sept, tiens, tiens…
À cet instant, le stagiaire fait son apparition.
– Ex… Ex… Ex… dit le grand blond.
– D’accord, je sais déjà ce que vous voulez dire : « Excusez-moi » ! Il faut parler plus vite, on n’a pas trop de temps !
La tête rouge comme une tomate, Édouard Ledoux va vite prendre place.
– BIEN ! dit monsieur Dequille sur un ton qui veut dire : « MAL » !
Puis il prend une craie pour écrire au tableau. Il note d’abord : « Examen de géographie ». Et ensuite il note les thèmes.
- Carte de France avec les villes et les rivières importantes.
- L’évolution géologique du Massif Central.
- Les climats en Europe.
Chloé Jambier riposte :
– Mais monsieur ! Les climats, on a vu ça en octobre !
– Et alors ? Vous pensez peut-être qu’il ne faut plus savoir cela ? Ces leçons, ça doit rester ici pour toujours, mademoiselle Jambier ! explique le professeur pendant qu’il donne des petits coups sur la tête.
Quand il y a toujours plus de questions au tableau, tout le monde est en panique. Même Jean Germain, qui demande :
– Il faut vraiment répondre à tout, monsieur ?
Monsieur Dequille regarde Jean et dit :
– Toi aussi, tu poses des questions idiotes ?
Sur sa chaise trop petite, le stagiaire regarde le tableau, puis notre professeur, puis nous. Son sourire nous dit qu’il ne faut pas avoir peur. Quand monsieur Dequille pose enfin sa craie, le grand blond dit :
– C’est… C’est… C’est beaucoup, tout cela !
Le professeur crie :
– Comment ?
– J… J… J’ai dit : c’est beaucoup, tout cela ! répète le stagiaire.
– Jeune homme, pas de commentaires, s’il vous plaît ! Jusqu’à aujourd’hui, et pour toujours, dans cette classe, il n’y a qu’un seul chef, c’est MOI !
Tout le monde baisse la tête, le grand blond le premier. Monsieur Dequille est fâché, avec les pieds il donne de grands coups qui font trembler l’estrade :
– TAISEZ-VOUS ! Le premier qu’on entend encore, punition !
Moi, j’ai devant moi une feuille blanche et un stylo. Je regarde les questions au tableau. J’ai l’impression de ne rien savoir. Quand je regarde autour de moi, je vois que les autres ont aussi des problèmes. Martial cherche les réponses au plafond. Chloé a les yeux tristes. Paul ne mange même plus le reste de son chocolat. Jacky mange son crayon comme on mange le chocolat… On peut entendre seulement le stylo de Jean Germain qui continue à écrire, écrire, écrire : s’il veut répondre à tout, il doit travailler vite. Bon, je fais une carte de France, mais ça ne va pas trop bien, c’est comme un poisson malade.
Après un long moment, le professeur regarde le stagiaire, qui reste sans bouger sur sa chaise, les mains sur son cartable.
– Si vous voulez faire quelque chose pour m’aider, vous pouvez passer entre les rangs pour contrôler qu’ils ne trichent pas, jeune homme !
Le grand blond avance alors entre les tables. Moi, je corrige ma carte de France. Je veux effacer tout avec ma gomme, mais je déchire ma feuille. Le grand blond vient vers moi. Il pose la main sur mon bras.
– Chut, il faut rester calme !
Monsieur Dequille crie :
– Qu’est-ce qu’il y a, là ? Vous trichez !
Le professeur vient vers nous. Le stagiaire est nerveux.
– Vous trichez ! Vous aidez Lison Deslivres !
– M… M… Mais non !
– Ah non ? ! J’ai tout vu ! J’ai tout entendu ! Vous avez passé quelque chose à Lison, vous avez parlé avec elle !
À ce moment, TOC TOC TOC, quelqu’un va ouvrir la porte. C’est la directrice qui entre, toujours sur ses talons aiguilles, mais avec un bandage autour du pied et un parapluie à la main, parce qu’elle ne veut plus tomber.
Quand monsieur Dequille voit le nouveau look de la directrice, ses yeux sortent presque de sa tête. Le professeur a besoin de quelques secondes pour dire :
– Vous arrivez au bon moment. Vous voulez savoir ce que fait votre stagiaire, pendant l’examen ? Eh bien, il triche, il aide les élèves.
Le grand blond et de nouveau rouge comme une tomate :
– M… M… Mais non !
Moi aussi, je proteste :
– Ce n’est pas vrai ! Il ne m’a pas aidé ! J’ai seulement effacé la carte de France avec ma gomme !
Madame Nervos fait deux pas difficiles sur l’estrade :
– Qu’est-ce qu’il y a ? Tricher pendant l’examen ? Ce n’est pas possible !
Maintenant monsieur Dequille est vraiment très fâché :
– Comment, ce n’est pas possible ? ! Vous ne voulez pas me croire, moi, mais vous allez croire Lison Deslivres ? Tout le monde sait qu’elle raconte seulement des choses qui ne sont pas vraies. C’est trop ! J’ai assez de cette situation ! C’est vous qui pouvez donner l’examen de géographie. Moi, je pars !
Pendant qu’il dit cela, il efface les questions au tableau. Puis monsieur Dequille prend sa veste et son cartable, et quand il sort le la classe, il fait claquer la porte.
VOCABULAIRE
requin (m) – акула
riposter – возражать, давать отпор
le reste – остальная часть
tricher – жульничать
effacer – стирать
déchirer – рвать
QUESTIONS
- Est-ce que l’examen de géographie est difficile ?
- Qu’est-ce que vous faites si vous ne savez pas les réponses aux questions ? Trichez-vous ?
- Pouvez-vous dire que monsieur Dequille est un professeur juste ?
- Qu-est-ce qui se passe quand madame Nervos arrive dans la classe ?
- Qu’en pensez-vous, pourquoi monsieur Dequille est si fâché et si nerveux ?
(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK)