Arts et culture
Fanny JOLY
La directrice est amoureuse
(extrait)
(Suite. Voir N°13, 14, 15, 17, 18, 19, 21, 23, 24/2009)
Le problème que j’ai maintenant, c’est de trouver le moment idéal pour poser la lettre dans le casier d’Édouard Ledoux. Il ne faut pas aller trop tôt, pour ne pas tomber sur madame Nervos, parce que la salle des professeurs est juste à côté de son bureau. Mais il ne faut pas y aller trop tard non plus, parce qu’alors maman va penser que ce n’est pas normal, et encore, il faut faire tout avant l’arrivée de papa.
J’ai de la chance. Madame Nervos monte dans son appartement, au deuxième étage, à six heures moins le quart. Vite, je traverse la cour et le couloir.
La porte de la salle des professeurs est un peu ouverte. En deux secondes, j’entre, je pose la lettre dans le casier à courrier « Édouard Ledoux » et je sors sans être remarquée.
Le lendemain, Martial me demande :
– Alors, ça va, la lettre ?
– Oui, sans problèmes. Mais tu sais, je pense qu’il ne faut rien dire aux autres. Alors, ça va être une surprise et on va rigoler encore plus.
Mais le plus grand problème pour nous deux, c’est que chaque fois que je regarde Martial ou quand il me regarde, cela nous fait rigoler et Solange et Jacky ne peuvent pas comprendre pourquoi nous rions. Alors, j’explique que c’est une histoire amusante qui nous fait rigoler. Solange voulait apprendre cette histoire, mais en ce moment madame Nervos arrive et nous fait signe de faire les rangs. Cette fois, elle ne porte pas de bandage ou de parapluie.
Quand elle voit le stagiaire ouvrir la grande porte de l’école et entrer avec son grand vélo, elle lui fait un énorme sourire :
– Bonjour, Édouard, vous arrivez juste au bon moment.
Le grand blond accroche vite son vélo et vient près d’elle.
Madame Nervos se tourne vers nous et dit à voix forte :
– Écoutez, les enfants ! Votre professeur, monsieur Dequille, est malade et ne va pas venir à l’école jusqu’à lundi. C’est donc moi qui vais vous faire la classe, et monsieur Ledoux qui va m’aider, s’il veut…
Avec son sourire, elle regarde le stagiaire. La tête rouge comme une tomate, le grand blond bégaye :
– Mais… b… b… bien sûr !
Nous entrons. Quand nous passons devant la salle des professeurs, la directrice dit :
– Édouard, vous avez du courrier dans votre casier. Je ne sais pas d’où ça vient, il n’y a pas de timbre sur l’enveloppe.
Martial fait un sourire et Solangre me dit :
– Tu vois : elle aime beaucoup Édouard, elle regarde même son courrier !
Je ne donne pas de réponse. Moi, je veux surtout savoir ce que le stagiaire va faire maintenant.
Édouard entre dans la salle des professeurs, puis il sort deux secondes plus tard. Quand il lit la lettre, il devient blanc comme sa chemise. Il a l’air malade tout à coup.
Au bout du couloir, devant notre rang, madame Nervos regarde son stagiaire :
– Tout va bien, Édouard ?
Quand le stagiaire voit madame Nervos, il tremble tout à coup.
– Qu’est-ce qu’il y a, Édouard, il faut peut-être faire venir l’infirmière ? Les nouvelles sont mauvaises ?
Pendant que madame Nervos avance vers lui, il recule, il a l’air vraiment en panique.
– N… N… Non, je veux rentrer chez moi !
Madame Nervos, étonnée, ne peut rien comprendre. Par la fenête, nous voyons le stagiaire traverser la cour, prendre son vélo et partir très vite. Martial me regarde sans sourire cette fois. Je comprends que notre plan n’a pas bien marché et il ne va plus bien marcher. Il n’y a plus de sourires gentils maintenant : madame Nervos est de très mauvaise humeur tout à coup.
D’abord, elle nous donne une interrogation en français vraiment très difficile. Jacky proteste :
– Mais il faut nous prévenir quand il va y avoir une interrogation !
– Et si je vous donne deux heures de punition pour samedi à tout le monde, je dois vous prévenir aussi ? Eh bien voilà, maintenant, je vous ai prévenus. Et le premier qui parle encore, un exercice supplémentaire ! Et le deuxième deux ! Et le troisième trois ! Et je peux continuer ainsi, j’ai des exercices pour dix ans. Pour moi, ce n’est pas un problème !
Personne ne parle plus. Mais le soir, tout le monde doit écrire des pages de punition. Si monsieur Dequille peut retourner maintenant, on sera très content ! Mais il ne retourne pas, malheureusement, comme le stagiaire. C’est fini, la rigolade.
Pendant les récréations, Martial et moi, on ne parle presque pas. Tout ça, c’est notre faute, mes les copains ne le savent pas. Avant de rentrer à la maison, Martial me dit qu’on a bien fait de ne parler de la lettre à personne.
Le soir, j’entends la conversation de mes parents :
– Tu sais, le stagiaire dans notre école… dit maman.
– Le stagiaire, quel stagiaire ? demande papa.
– Mais Édouard Ledoux, ! Le neveu de l’inspecteur !
– Ah, oui, eh bien ?
– Il m’a téléphoné. Je dois dire à la directrice qu’il a trouvé du travail dans une autre école et qu’il ne va plus retourner ici.
– Aïe, et tu as déjà vu madame Nervos ?
– Non, pas encore. C’est elle qui m’a dit que le stage d’Édouard Ledoux doit être très bon pour elle : elle peut avoir de bons points et l’inspecteur va donner plus vite les palmes académiques à la directrice…
– Oh la la ! Et le stagiaire est parti, peut-être fâché ! On va avoir des problèmes avec madame Nervos !
Ça alors, il n’y a pas donc d’histoire d’amour, il y a seulement des problèmes avec madame Nervos, notre professeur monsieur Dequille et mes copains qui ne vont pas être contents.
Fiche pédagogique
VOCABULAIRE
faire les rangs – строиться
faire signe – сделать знак
bégayer – бормотать
avoir l’air – иметь вид
faire venir – вызвать
avancer – продвинуться вперед
reculer – отойти назад
trembler – дрожать
tout à coup – внезапно
supplémentaire – дополнительный
QUESTIONS
- Pourquoi donc madame Nervos a tellement changé ?
- Qui était Édouard Ledoux ?
- À votre avis, pourquoi est-ce qu’il a décidé de changer d’école ?
- Comment cette histoire s’est-elle terminée ?
- La plaisanterie des enfants a-t-elle servi pour le bien ou pour le mal ?
(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)